Les peintures de Sandrine Rondard résultent d’un protocole où l‘observation, la mise en scène et la traduction plastique de l’image sont mises en œuvre. D’abord, il y a l’immersion dans un paysage et sa part de hasard. Moment propice à la rencontre, avec un paysage, une matière naturelle, une couleur, une lumière. Tous ces éléments
constituent les différents enjeux de son travail pictural. « Je préfère la lumière tombante, entre chien et loup. » Ce moment hors du temps, moment limite, entre la fin du jour et le début de la nuit. Armée de son téléphone, elle photographie le paysage plongé dans un état flottant où les définitions s’évaporent. Des dizaines et des dizaines d’images sont prises d’une manière spontanée, mouvante, pour ne jamais fixer cet espace instable et fragile. La méthode, volontairement sauvage et incontrôlée, engendre l’erreur, l’accident, le flou et l’insaisissable. Des failles que Sandrine Rondard fouille dans la matière, le dialogue des couleurs et les trouées lumineuses. Du rose, du gris, du vert. Avec un sourire malicieux, l’artiste dit concevoir ses images « à la manière d’un chef opérateur ». Elle met en place un décor, pose un cadre, dirige ses acteurs, choisit une lumière, crée une ambiance, met en mouvement une scène. Le cinéma et l’histoire de la peinture sont les moteurs de son imaginaire. De Francis Bacon à Michelangelo Antonioni, en passant par Chardin, Ozu, Doig, Turner ou encore Lynch, tout est prétexte au travail des mouvements de l’image. Lorsque le décor est saisi, l’artiste fait intervenir des figurants, de jeunes personnages, le plus souvent des enfants. Ces derniers, du fait de leurs gestes impulsifs et spontanés, injectent davantage de mouvement, de liberté. Les photographies sont ensuite transposées à l’huile sur la toile. Les images sont travaillées plan par plan. L’artiste crée ainsi des espaces où peuvent se dissimuler l’étrange, le mystère et tout ce qui se cache dans la matière de la peinture. Entre chien et loup. Cet instant, entre deux temporalités, deux atmosphères, deux mondes, est peuplé de paradoxes qu’elle explore sans relâche. Un mystère plane. Les figures juvéniles ne sont pas identifiables, trop éloignées, de dos, plongées dans l’obscurité, masquées, agitées. Il nous est impossible de nous projeter dans un visage, les regards se dérobent.
Les corps insaisissables agissent telles des chimères qui apparaissent et s’évaporent. Tour à tour accompagnés d’animaux ou bien incarnant eux-mêmes des figures animales, ils paradent étrangement entre la vie sauvage et la vie moderne.